Une menace protéiforme aux ramifications complexes
« Pour l’ensemble des États membres de l’Union européenne, le djihadisme sunnite demeure la menace prédominante. De nombreux projets d’attentats ont été déjoués grâce au travail remarquable des services de renseignements – et je tiens en particulier à féliciter les services français. Cette menace est à la fois exogène et endogène. C’est pour cette raison que nous devons rester alertes et bien connaître les différentes régions du monde où la menace prend forme. Trois zones ont été identifiées : l’Asie centrale, le Moyen-Orient notamment la Syrie et le Sahel » explique Bartjan WEGTER et de poursuivre : « Autre sujet d’inquiétude croissante : la radicalisation de l’ultra-droite, qui touche notamment une frange de la jeunesse européenne. Ce phénomène est transfrontalier et nécessite donc une réponse européenne et internationale, puisqu’il y a souvent des liens transatlantiques. » L’accroissement des tensions internationales et inter-étatiques conduit également à une forme d’instrumentalisation de la menace terroriste. « C’est une évolution : au-delà des groupes radicaux, certains États, comme la Russie ou l’Iran, n’hésitent plus à recourir à des tactiques hybrides mêlant terrorisme et criminalité organisée pour saper les démocraties européennes et ses valeurs. » note Bartjan WEGTER. Le Coordinateur européen continue également de suivre la menace de l’ultra gauche, bien que moins prononcée à l’heure actuelle - mais toutefois présente dans certains États membres méditerranéens -, ainsi que tout mouvement extrémiste violent.
Lutter contre la propagation du terrorisme en ligne
« Daesh, en particulier sa branche dans la province du Khorassan, a su s’approprier les outils du numérique pour étendre son influence en Europe et tenter de radicaliser une partie de la population, les jeunes, notamment », évoque Bartjan WEGTER. L’essor de l’intelligence artificielle fait peser de nouveaux risques, en particulier avec la création de vidéos de propagande qui se diffusent rapidement et très largement. « Les nouvelles technologies se développent tellement rapidement qu’en termes de législation, il est parfois compliqué d’être sur le même tempo. Nous avons donc réellement besoin d’une coopération très étroite avec le secteur privé, qui dispose d’une expertise pointue dans le domaine. Nous devons travailler de concert pour bien comprendre les impacts potentiels des nouvelles technologies sur le terrorisme. Aujourd’hui, nous n’avons aucune difficulté pour identifier les contenus estampillés “terroristes”. Mais, le caractère terroriste de certains contenus est parfois moins évident. L'incitation à la haine ou à l’ultra-violence peut ne pas être strictement qualifiée de terroriste mais cela n’en reste pas moins préoccupant car ces comportement en ligne contribuent à une forme de radicalisation et de polarisation croissante de nos sociétés » souligne Bartjan WEGTER. D’autant que la tendance est aujourd’hui à la très forte diminution des capacités de modération des plateformes, ce qui préoccupe fortement l’Union européenne. « Au regard de la radicalisation des jeunes, cette baisse du nombre de modérateurs est très dommageable. Nous avons tenté de discuter avec les plateformes sur ce sujet, sans grande réussite. Nous avons la responsabilité d’imposer l’état de droit en ligne également, ce qui, aujourd’hui compte tenu de notre législation, ne peut se faire sans l’appui des plateformes numériques et réseaux sociaux » poursuit le coordinateur européen.

Coopérer avec les États tiers
En Afrique de l’Ouest, le Sahel cristallise les préoccupations sécuritaires internationales. L’Europe y déploie des efforts ciblés, malgré des relations diplomatiques souvent fragiles. « Le Sahel reste toujours l'épicentre du terrorisme mondial. Nous ne pouvons pas ignorer cette région. Bien que les relations avec certains de ces États restent compliquées actuellement, nous continuons de développer des coopérations lorsque cela est possible car nous devons absolument éviter une propagation de la menace. L’UE partage ses bonnes pratiques en matière de coopération régionale pour notamment appuyer les pays d’Afrique de l’Ouest afin de répondre aux défis auxquels ils font face. Or, ces pays n’étaient pas auparavant aussi directement frappés par la menace terroriste et cela prend du temps de développer une culture d’échange de renseignements ou de bonnes pratiques au niveau régional pour lutter contre le terrorisme. C’est dans ce domaine que nous intervenons. Nous avons également mis en place une mission de sécurité et de défense où nous avons déployé des experts civils et militaires en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Ghana. Nous souhaitons également coopérer davantage avec le Togo. Cela nous permet d’adopter une réponse plus adaptée et différenciée en fonction des besoins spécifiques des pays. » explique le coordinateur européen à la lutte contre le terrorisme.
Les défis qui domineront l’agenda dans les prochaines années
Bartjan WEGTER a d’ores et déjà identifié plusieurs défis auxquels il devra faire face pour mener à bien sa mission. « La prévention de la radicalisation des jeunes reste l’une de mes priorités. Cette tendance ne fait que s’accentuer, nous le voyons d’ailleurs sur toute la planète. Nous devons également poursuivre la lutte contre l’ingérence étrangère de certains Etats, la Russie et l’Iran en tête de liste. Ceci ne relève pas exclusivement de mes compétences mais cette menace hybride nécessite une approche coordonnée afin d’apporter une réponse adaptée qui couvre tous ses aspects et manifestations. La coopération internationale est évidemment clé pour lutter contre le terrorisme car, nous le savons, il ne connait pas frontières. Nous devons utiliser les enceintes de dialogue déjà existantes, comme celles des Nations-Unies pour unir nos forces partout où la menace terroriste existe. » conclut Bartjan WEGTER.