Au cours des dix dernières années, la production mondiale de cocaïne a considérablement augmenté. En 2022, 2 700 tonnes de cocaïne ont été produites dans le monde, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2021 et trois fois la quantité produite dix ans plus tôt. Entre expansion de la culture du cocaïer, hausse du nombre de consommateurs, multiplication des routes du trafic et digitalisation du commerce illicite, les défis en matière de lutte contre les stupéfiants sont bien identifiés. La réponse est internationale. La lutte s’intensifie.

Les Balkans occidentaux : des acteurs devenus majeurs

 

Face aux efforts des autorités pour lutter contre le trafic, les organisations criminelles développent des stratégies toujours plus sophistiquées et multiplient les routes du trafic. L’Europe de l’Est et l’Afrique de l’Ouest deviennent ainsi des plaques tournantes du commerce de la cocaïne, permettant aux trafiquants d’acheminer la drogue en contournant les itinéraires traditionnels d’Amérique du Sud (Colombie, Pérou, Bolivie) vers l’Europe de l’Ouest. De même, la montée en puissance des cartels mexicains sur le marché mondial a modifié les flux de trafic d’héroïne et de méthamphétamine.

Ce corridor est utilisé par des groupes criminels organisés qui exploitent les infrastructures portuaires des Balkans, notamment en Albanie, en Serbie et au Monténégro, pour faire transiter de grandes quantités de drogue vers l’Europe occidentale. Des groupes criminels des Balkans ont établi des liens solides avec les cartels sud-américains, assurant ainsi un approvisionnement régulier en cocaïne. Ils ont su s’adapter aux changements dans la surveillance et aux saisies en diversifiant les itinéraires, en utilisant des navires commerciaux, des sous-marins artisanaux et même des drones pour transporter la drogue. « Ces réseaux opèrent au-delà des frontières géographiques, partageant des ressources, des services et des informations sur les méthodes de contrebande et les itinéraires depuis la source jusqu'aux pays de transit et de distribution. » souligne l’ONUDC, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.

Les criminels exploitent toutes les failles du système financier pour blanchir les profits issus du trafic. Des industries légales comme l’immobilier, les casinos et le commerce de luxe servent souvent à recycler cet argent. Par ailleurs, dans certaines régions, les cartels s’infiltrent dans l’économie locale en finançant des infrastructures ou des services sociaux, gagnant ainsi un soutien populaire et rendant leur éradication plus difficile (ONUDC, Rapport mondial sur les drogues 2024 - publication des Nations Unies, 2024).

En 2024, EUROPOL a réussi à démanteler l’un des cartels de la drogue des Balkans. Près de 40 personnes ont été arrêtées et huit tonnes de cocaïne saisies à l'issue d'une opération policière internationale qui a duré quatre ans ciblant un réseau criminel qui trafiquait de grandes quantités de drogue de l'Amérique du Sud vers l'Europe via l'Afrique de l'Ouest et les îles Canaries. La coopération entre les neuf forces nationales - Brésil, Belgique, Croatie, Allemagne, Italie, Serbie, Espagne, Turquie et Émirats arabes unis - s'est révélée « cruciale pour capturer le réseau », rappelle EUROPOL.

Graphique montrant l'augmentation de la production mondiale de cocaïne entre 1994 et 2022Évolution de la production mondial de cocaïne en tonnes métriques, entre 1994 et 2022

Expansion du marché et nouveaux défis sécuritaires

 

L’essor des drogues de synthèse, comme la méthamphétamine et le fentanyl, pose de nouveaux défis aux forces de l’ordre. Contrairement aux drogues traditionnelles, ces substances peuvent être produites localement dans des laboratoires clandestins, souvent situés dans des zones à faible contrôle étatique (comme le Myanmar ou certaines régions du Mexique), rendant leur traçabilité plus complexe. La méthamphétamine est devenue la principale drogue de synthèse en Asie et en Amérique du Nord. De même, le fentanyl, un opioïde de synthèse 50 fois plus puissant que l’héroïne, a provoqué une explosion des overdoses en Amérique du Nord en raison de sa puissance extrême et de son incorporation dans d’autres drogues sans le savoir des consommateurs.
Les groupes criminels exploitent la faible régulation du commerce international de certains précurseurs chimiques utilisés pour fabriquer des drogues de synthèse. Ces substances sont souvent détournées de l’industrie pharmaceutique ou chimique et transportées via des pays où les contrôles sont moins stricts. Des pays comme la Chine, l’Inde et le Mexique sont régulièrement cités comme points de départ de ces précurseurs.

En 2024, une opération internationale coordonnée par INTERPOL et dirigée contre le trafic de stupéfiants en Asie du Sud-Est a abouti à des saisies record de drogues de synthèse d’une valeur d’environ 1,05 milliard de dollars US. Le commerce illicite de drogues est l’un des principaux moteurs du crime organisé qui diversifie ses activités, incluant le blanchiment d’argent, le trafic d’espèces sauvages et l’exploitation illégale de ressources naturelles. Une dynamique qui accentue la corruption et sape la gouvernance locale.

 

La digitalisation du commerce illicite : le rôle du darknet et des cryptomonnaies

 

Les trafiquants de drogue tirent parti des technologies numériques pour diversifier leurs circuits de distribution et échapper aux autorités. Le darknet devient un marché parallèle. Les plateformes clandestines accessibles permettent d’acheter et de vendre des drogues de manière anonyme. Grâce au chiffrement et à l’utilisation des cryptomonnaies comme le Bitcoin, les transactions échappent largement aux systèmes bancaires traditionnels et aux contrôles gouvernementaux. Malgré la fermeture de certaines plateformes (comme Silk Road), de nouveaux marchés émergent continuellement. De plus en plus de transactions liées au trafic de drogue se font via des applications de messagerie cryptées comme Telegram, WhatsApp et Signal. Des dealers utilisent également les réseaux sociaux pour attirer des clients, notamment parmi les jeunes, en rendant l’accès aux substances plus facile que jamais.

"« Il est essentiel d'utiliser le pouvoir de rassemblement des Nations unies pour réunir des fonctionnaires de deux régions afin de partager des informations, des bonnes pratiques et des expériences pour aider les États membres à comprendre et, en fin de compte, à désorganiser les groupes criminels impliqués dans le trafic de cocaïne »"
Michael OSMAN
Programme mondial de l'ONUDC sur le démantèlement des réseaux criminels
Logo Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC)

Coopération, surveillance, lutte contre la corruption

 

L’ONUDC met en avant l’importance d’une action coordonnée et une approche intégrée et transnationale entre les différents États pour contrer ce réseau criminel et réduire l’impact du trafic de cocaïne sur la sécurité et la stabilité des Balkans et de l’Europe. Sont au coeur de l’agenda notamment :

  • Le renforcement de la coopération policière et judiciaire entre les pays d’Amérique du Sud, des Balkans et de l’Union européenne
  • La surveillance accrue des ports et des infrastructures logistiques, notamment via des technologies avancées comme l’analyse des big data et la reconnaissance faciale et programmes de lutte contre la corruption, car les trafiquants s’appuient sur des complicités locales pour faciliter l’acheminement des cargaisons

 

« Il est essentiel d'utiliser le pouvoir de rassemblement des Nations unies pour réunir des fonctionnaires de deux régions afin de partager des informations, des bonnes pratiques et des expériences pour aider les États membres à comprendre et, en fin de compte, à désorganiser les groupes criminels impliqués dans le trafic de cocaïne » , a souligné Michael OSMAN, du programme mondial de l'ONUDC sur le démantèlement des réseaux criminels lors d’une réunion qui s’est tenue fin 2024 à Sarajevo rassemblant des représentants de l'Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, du Brésil, de la Colombie, de la Croatie, de l'Équateur, du Monténégro, des Pays-Bas, de la Macédoine du Nord et de la Turquie mais aussi des experts issus d'EUROPOL, du Centre d'analyse et d'opérations maritimes (stupéfiants) - MAOC (N), de la Drug Enforcement Administration des États-Unis, de l'Agence européenne des drogues ou encore de l'ambassade du Royaume-Uni.