Quelles sont les opportunités d'une entreprise de sécurité à l'international ?
Cette conférence du Jeudi de la Sécurité porte sur les opportunités à l’international pour une entreprise de sécurité française. Des intervenants de Business France, de Bpifrance et de la société Deveryware abordent cette question.
Quelles sont les différences d’opportunités selon les pays ?

Tout pays ne présente pas forcément les mêmes opportunités que les autres pour les entreprises de sécurité. En effet, la sécurité est un thème vaste, puisqu’elle concerne le monde civil, le monde de l’Intérieur et se trouve parfois aux frontières de la Défense. Il importe donc de bien identifier les possibilités qui s’offrent aux sociétés souhaitant s’exporter à l’international.
Dans le cas d’export très lointain, il est important de s’assurer que l’entreprise puisse y retourner après sa première visite et soit à l’aise pour y faire du commerce. Un contrat implique des allers-retours et de ce fait, il s’agit d’une affaire de conviction. En effet, une société met en général trois ans avant de s’installer de manière pérenne à l’international.
A propos de la Chine
Au niveau industriel, les chiffres de croissance chinois sont importants. En 2022, ce pays investira plus de 156 milliards d’euros sur son budget sécurité, et deviendra le premier marché international.
En 2015, le port de Tianjin a brûlé et à l’issue de cette catastrophe les autorités chinoises souhaitaient éviter qu’elle se reproduise. Dès fin 2017, Business France a émis des recommandations de sécurisation des sites Seveso. Lorsque ce dialogue a débuté, un colloque a eu lieu en décembre de la même année, faisant intervenir les entreprises pour allier doctrines et matériels. L’idée était de présenter des solutions solides aux autorités chinoises, face à des Américains qui souhaitaient aussi tirer leur épingle du jeu.
En 2018, Business France s’est appliqué à traduire tout le dispositif Seveso en chinois pour qu’il leur soit compréhensible, et pour qu’ils puissent l’adapter en fonction des sites à risques. En parallèle, l’organisation s’est constituée en groupement d’intérêt économique (GIE) grâce à la Fédération Française des Métiers de l’Incendie (FFMI).
Pour suivre cette opportunité, Business France devait également être capable d’inviter les autorités chinoises à venir sur le territoire français pour visiter les sites de l’Hexagone. Le groupe a donc noué un accord avec Total et d’autres entreprises pour exposer la capacité et les méthodes françaises.
La zone des Emirats arabes unis et du Qatar
Il existe un besoin important de sécuriser les côtes et les infrastructures des Emirats arabes unis. Près de 16% de leur budget, soit 2,47 milliards de dollars, ont ainsi récemment été dédiés à la sécurité et à la justice.
D’autre part, le Qatar accueillera l’exposition universelle de 2020 et la coupe du monde de 2022. Des rendez-vous que les Qataris ne peuvent se permettre de rater. Ils sont donc prêts à investir beaucoup, or contrairement à la Chine, il n’existe pas dans cette zone d’industrie à défendre : les opportunités sont donc encore plus importantes et plus faciles d’accès.
Il existe également des projets d’aéroport ambitieux impliquant là aussi un besoin important en termes de sécurité. Tenter de positionner l’offre française à l’international est donc essentiel, en particulier dans ces pays. Pour ce faire, il faut notamment dès le départ essayer d’influer sur les textes de loi et dialoguer avec les politiques, car si d’autres pays sont arrivés en premiers, les normes de services et de produits s’y adaptent très vite.
Zoom sur l’Arabie saoudite
L’Arabie saoudite est un marché prometteur, bien qu’en conflit ouvert. Saudi Aramco, la compagnie pétrolière nationale souhaitait moderniser ses protections et a donc émis des demandes flirtant avec le secteur de la défense. Dans ce contexte, l’acheteur de cette compagnie est venu à plusieurs reprises en France et a été accueilli par la direction de coopération internationale (DCI) et Business France afin de préciser ses besoins.
L’objectif était de mieux connaître la technique requise et de solliciter les entreprises françaises pour qu’elles soient en mesure de saisir les opportunités à l’international. Cela est d’autant plus important qu’une telle société est une bonne référence pour les entreprises qui souhaitent vendre à l’Etat saoudien. Ce dernier demeure en effet fermé, et passer par ce type de grandes entreprises est encore la meilleure manière de vendre plus largement en Arabie saoudite.
Quels sont les freins à l’export ?
L’export représente de l’investissement humain, de l’investissement en termes de temps et des déplacements. Cela peut s’avérer compliqué pour les PME et les ETI, car il s’agit d’un budget important et d’un frein. C’est pourquoi Business France propose deux recommandations, valables pour tous les pays du monde :
- Il est difficile d’obtenir un bon de commande pérenne avant trois ans sur un marché. Il est donc essentiel de disposer d’un bon partenaire local afin d’apprivoiser les codes du pays, d’assurer un meilleur suivi et de gagner en réactivité.
- Il importe d’intégrer la notion de temps long dans la démarche de prospection, et ce dès le démarrage du projet. Un business plan doit donc être réalisé au préalable.
Comment Bpifrance accompagne-t-elle les entreprises françaises de sécurité dans leurs démarches à l’export ?

Accompagner les entreprises figure dans l’ADN de Bpifrance, même si cela est plus récent à l’international. Le groupe a développé un plan d’aide et de soutien en matière d’innovation, car selon Didier Bisch, « une entreprise innovante est par nature une entreprise qui s’internationalise. » S’internationaliser est d’ailleurs l’unique but de certaines sociétés.
En janvier 2017, certaines tâches régaliennes ont été confiées à Bpifrance alors qu’elles étaient auparavant assurées par Coface garantie publique. Le groupe propose de l’accompagnement en France et à l’international ainsi qu’un grand nombre d’outils importants. Par exemple, un primo-exportateur souhaitant se lancer à l’international a la possibilité de former ses effectifs via le module « Bpifrance Université ».
Dans tous les cas, le commerce à l’export commence aux limites de l’Hexagone et il n’est pas forcément nécessaire de se projeter sur des pays très lointains. Chaque société doit dimensionner ses ambitions à l’export au regard de ses capacités financières et humaines. Bpifrance les soutient au travers de plusieurs solutions :
- Assurance prospection
- Assurance-crédit
- Financements
- Prêt de croissance international
- Fonds Build-up International (FBI)
Retour d’expérience par Deveryware
Deveryware a développé une réelle culture de l’international. Il s’agit d’une PME de 16 ans orientée sur les services de géolocalisation en temps réel dans le domaine de la sécurité. Cette société se développe progressivement et est donc limitée en moyens financiers et humains. Bpifrance l’accompagne au quotidien en France et à l’international, lui ayant permis d’ouvrir des bureaux à Dakar, Barcelone et Montréal, avec pour projet de s’installer prochainement en Amérique du Sud.
Avec Business France, la société a saisi une opportunité découlant d’une crise au Québec. De son côté, la DCI s’est toujours montrée réactive face aux demandes de Deveryware. Avec son bureau partenariat, la direction de la coopération internationale a en effet permis à l’entreprise de rencontrer le ministre de la sécurité argentin en appuyant sa requête.
Pour Delphine Arias-Buffard, la clé de l’export est de bénéficier d’un bon représentant local compétent dans le secteur d’activité de l’entreprise, afin de contourner les contraintes de relance et de prospection liées à la langue et aux décalages horaires. Il importe également de remonter les informations à Business France et aux ambassades en cas de problème avec un partenaire à l’international, pour éviter qu’il soit fait de nouveau appel à ce type d’entreprises dans le cadre d’autres projets d’export.